HISTOIRE DE NOTRE VILLAGE
DE NOVUM-MONASTERIUM A NEUFMOUTIER 1300-1789
NEUFMOUTIER, Novum Monasterium ;
Saints Patrons, St Leu et St Gilles ; archidiaconé de Brie ;
Doyenné du Vieux-Corbeil ;
Parlement de Paris ;
Election de Rozoy ;
Collateur, l'abbé de Saint-Maur ; décimateurs, le curé avec les abbés d'Hermières et de Farmoutiers.
Chacun sait que Moutier vient du mot latin monasterium, et peu de gens ignorent que ce mot monasterium n'a pas toujours signifié un couvent de moines, mais que, sous d'autres significations que l'on a données, on désignoit aussi par là une église paroissiale. Il y en a trop d'exemples pour pouvoir en douter. Ainsi, Neufmoutier est comme diroit Neuve-Eglise. De même donc qu'il y a des villages en France, qui sont appelés Neuve-Eglise, Neuve-Chapelle ; de même manière, il y en a qui sont dits Neufmoutier ; la nouveauté de l'église du lieu a donné le nom.
A l'égard de Neufmoutier, de l' ancien diocèse de Paris, c'est une paroisse visiblement si ancienne, qu'elle ne se trouve pas dans le pouillé du XIIIème siècle ; mais il est vrai aussi qu'elle ne tarda pas d'être établie, puisqu'il y avoit en ce lieu un curé de l'an 1300.
Cette paroisse est située près de la fôret de Crécy, à une lieue de Tournan, du côté du nord-est. Le pays est en plaines ; le territoire consiste en labourages, bocages, buissons, prés, étangs et bois. Il n'y avoit, proche l'église, que cinq ou six maisons, maintenant 29 feux ; le reste est répandu de côté et d'autre, et formoit en tout 52 feux en 1720. En 1745, on comptait 236 habitants ou communians (aujourd'hui 554).
Dans l'église de ce lieu, le choeur et les deux chapelles collatérales voûtées ne paroissent avoir guère que trois cents ans. La nef est fort vaste, mais extrêmement nue. On a fait servir de table d'autel la tombe d'un curé du lieu, peut-être le premier qui y fut établi. Il est représenté revêtu d'une chasuble, et l'on peut lire autour : Ici gît... jadis curé de Neufmoutier, qui trépassa l'an M.CCC. le Dimanche...
Une autre tombe, qui sert de marche-pied de l'autel à la chapelle méridionale, contient en lettres pareilles, l'inscription : Hie jacet Gilo d'Esgrefin quem lapis hie tumulus... (Le reste est sous l'autel). On pense que ce fut ce seigneur qui fit choisir Saint-Gilles pour patron. Dans le choeur se lit sur une tombe : Icy gist... Etiennette de Paillard, dame de Neufmoutier, Aigresfins, les Trois-Maisons, la Vieille-Chapelle, Chapelle le Hoy, femme de Clarembauld le Picard Seigneur d'Attilly en Brie, laquelle trépassa en 1552.
Du côté méridional du même choeur, se lisoit cette autre inscription : "noble femme Etiennette de Paillard Damoiselle de Trois-Maisons, Neuf-Moutier, la Chapelle et Vieille Chapelle, en son vivant femme de Clairembauld le Picard Escuyer Seigneur d'Attilly, en Brie, a fondé en l'Eglise de céans une basse messe toutes les semaines de l'an, qui se dira le jour de vendredy à toujours perpétuellement, a ordonné trois sols tournois pour ladite messe.
Outre plus a donné vingt sols tournois être donnez aux pauvres le jour du Vendredy Saints en soa intention pour les ames de ses pere et mere, et de Maître Jehan de Paillard son grand oncle, en son vivant Archidiacre de Auxerre jadi Seigneur de ce lieu de Neuf-moutier, moyennant les terres prés et rentes que ladite damoiselle a délaissez comme il paroit par les écrits-lettres obligatoires de ce passées. Elle est trépassée le jour de juin 1552.
Hic Paliarta sui jacet uror fida mariti
Matronale decus laxque pudicitiae
Quod si sors malefida hominum, nisi fata vetarent
Dign... nunquam quae moreretur, etat.
Faeminü at quidquid laudis nostra attulit aetas
Illa suum moriens abstulit in tumulun
Hic Clarovaldi conjux Palriarta Picarti
Dormit et expectat venturae saecula vitae
Il paroit qu'il y a eu plusieurs personnes, au XVe siècle, qui se sont qualifiées en même temps seigneurs de Neufmoutier. Jacques de villiers l'étoit immédiatement l'an 1457. Après lui, en cette année là, ce fut Adam de cuisse, écuyer, succéda. On le trouve nommé dans le compte des Reliefs à l'an 1478, pour le fief de la seigneurie de Neufmoutiers mouvant de Tournan, à lui échu par le décès de sa mère, et dont il avoit fait hommage à la chambre.
Nonobstant ces preuves qui donnent pour seigneurs les sieurs de Cuise, l'inscription ci-dessus rapportée, marque que la seigneurie de Neufmoutier avoit appartenu à Jean Paillard, archidiacre d'Auxerre, qui mourut vers l'an 1454 : ce qui montre qu'il étoit cotemporain de Jacques de Villiers.
On ne peut guère révoquer en doute que cette seigneurie ait passé de Jean Paillard, à l'un de ces frères ou neuveux, dont descendit Etiennette Paillard, qui ayant hérité de cette terre dans les commencements du XVIe siècle, la porta en mariage à Clerembaud le Picart, qui lui survécut.
Il étoit frère du fameux François le Picart, doyen de St-Germain-l'Auxerrois. Son fils, du même nom de Clerembaud, lui succéda, et jouissoit de Neufmoutier et de quelques autres terres qui venoient du côté de sa mère. Il est nommé, dans la coutume de 1580, comme présent ; mais au lieu de Laurent le Vaut Picard, il faut lire clerembaud Picard. Il fut remplacé par François Lepreau, seigneur de Vaux d'Argent et de Neufmoutier (1652).
On trouve dans cette commune l'ancien château ou maison de Bellevue, qu'habitoient les seigneurs de Neufmoutier et de Bellevue, mais qui n'étoit plus qu'une ferme en 1751.
Les principaux écarts de Neufmoutier sont les Egrfins, placés vers le septentrion de ce lieu. Cette seigneurie existoit, sous le même nom, dès la fin du XIIIe siècle, comme il se doit par Gilles d'Esgrefins, dont la tombe est conservée dans l'Eglise. Il y a assez d'apparence que cette église fut bâtie sur son fond ; que ce fut pour cela qu'il insinua de la dédier sous le titre de St Gilles son patron, et l'on y aura joint St Loup, suivant l'usage commun.
Le roi Jean étoit dans le château de ce lieu, le 24 janvier 1550 ; son ordonnance sur les monnaies est datée du chastel d'Aigre-Sainte. Le Château de Becoiseau, où les rois retiroient alors, n'en étoit qu'à une lieue ; mais c'étoit dans le diocèse de Meaux. Le fief d'Esgrefins produisoit deux liv. de rente à la sainte-chapelle de Vicennes, peut-être par donation que quelque seigneur aura faite au chapitre du Vivier, qui lui étoit réunie. Le seigneurie de Combreux près Tournan, relevoit de celle d'Egresfins.
Les Essergents (ou le Sergent suivant sauval ; maintenant Essergent)étoit un fief mouvant de Tournan. Il avoit appartenu, sous Louis IX, à Pierre de Villiers et Jeanne de Ponville. Louis de Villiers leur fils, en ayant hérité, en fit hommage le 15 juillet 1414, entre les mains du chancelier en même temps que d'autres fiefs des mêmes cantons.
La Borne-Blanche, qui n'étoit point spécifiée dans les cartes, n'est venue à notre connoissance que par les permissions données d'avoir chapelle domestique à Léon de Maubuisson, écuyer, qui en étoit seigneur en 1648, et renouvelée à Elisabeth de Fontenay, veuve de Nicolas Amory, seigneur de Casseaux, le 26 juillet 1672.
Les Marsansages et les Boutilliers, hameaux.
Le château ci-devant seigneurial nommé le chemin, dont la construction est simple, mais belle par sa régularité ; le parc, clos de murs, est contigu à des simple bois considérables et bien percés, qui dépendent du domaine.
Le château de la Petite Fortelle, entouré d'étangs en partie desséchés.
Toutes ces terres et seigneuries ont été réunies, vers 1658, en la personne de Charles Bernard du Chemin, conseiller du roi, maître de son hôtel : ses armes étoient : champ d'azur au chevron d'or, trois têtes de chardon d'argent au chef, hure de sanglier de même en pointe.
La sépulture de cette famille étoit au couvent de la Merci de Paris ; néanmoins Jules, marquis de Gravel, ambassadeur extraordinaire en Allemagne, etc., mort au château de Bellevue dans le XIIIe siècle, repose dans le choeur de Neufmoutier.
La terre du chemin, échue à Jean-Charles, fils aîné de Charles Bernard du Chemin, et Bellevue, tombé à Marie-Thérèse sa fille, marquise de Gravel, ont été acquis par le marquis de Dreux-de-Couey, dont la fille Alix Engueraude les les fit entrer par son mariage dans la maison de Clermont-Mont-Saint-Jean.
La Petite Fortelle et les autres bien recueillis par François, 2ème fils de Charles Bernard du Chemin, sont restés dans sa famille jusqu'en 1789, époque où ils ont été vendus à M. Le Bas, comte du Plessis. La maison dite de Fauvinet, appartient à M. Cadot ; et la ferme dite les Grandes Pigeonnières, à M. Becket, de La Houssaye.
NEUFMOUTIERS : NOVUM MONASTERIUM 1454-1897
D'après l'abbé Leboeuf, le mot "moutier, monasterium" étant souvent pris dans le sens d'église, on doit en conclure, à défaut de preuves évidentes, qu'il n'y a jamais eu de monastère dans cette localité qui relevait de l'abbaye de Saint-Maur.
La seigneurie échut ensuite à Jean Paillard, évêque d'Auxerre, qui mourut en 1454. Jacques de Villiers devint seigneur de Neufmoutiers en 1457. Il était aussi seigneur des Chapelles-Bourbons. Ses biens revinrent à sa soeur qui les porta à Adam de Cuisse ou de Cuisy auquel un fils, prénommé Antoine, succéda vers 1478. Au commencement du XVIe siècle, la terre de Neufmoutiers revint à la petite-nièce de Jean Paillard, l'ancien évêque d'Axerre, à Etiennette Paillard qu'une pierre tombale et une inscription de fondation, qui se trouvent dans le choeur de l'église de Neufmoutiers, qualifient de "damoiselle de Trois-Maisons, Aigrefins, Neuf-Moutier, la Chapelle-Hoy et Vieille-Chapelle (Les Chapelles-Bourbons), en son vivant, femme de Clairembault (Clarembauld ou Clerembauld) le Picart ou le Picard, escuyer, seigneur d'Attilly-en-Brie". Ce Clairembault, seigneur d'Attilly, des Chapelles-Bourbons et de Neufmoutiers, était le frère de François, doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois.
Il laissa un fils qui lui succéda en 1580 et vendit le domaine à François Lepreau, seingneur de Vaux d'argent.
Dans ce domaine, il y a trois fiefs à relever sur la paroisse de Neufmoutiers ; celui de la Petite Fortelle, terre entourée d'étangs desséchés, celui des Essergents qui appartenait à la maison de Villiers dès le XIVe siècle et celui d'Egrefrins que les papiers notariés du XVIIe siècle qui nous sont passés sous les yeux orthographiaient Aigrefin. C'était une seigneurie qui existait au XIIIe siècle et dont le premier seigneur autochtone, Gilles d'Egrefin, imposa à la nouvelle église (neuf moutier) le patronage de Saint-Gilles. Le roi Jean-le-Bon, qui faisait la navette entre Egrefin et Bécoiseau, prit en 1350, concernant les monnaies, une ordonnance qu'il data du "chastel d'Aigre-Sainte".
Tous ces fiefs et la seigneurie de Neufmoutiers furent acquis par Charles-Bernard du Chemin, conseiller-secrétaire du roi, mâitre de son hôtel, portant : d'azur au chevron d'or chargé de trois têtes de chardon d'argent en chef d'une hure de sanglier de même en pointe. Messire Charles-Bernard, chevalier, seigneur du Chemin, étant décédé et inhumé dans le caveau de famille du couvent de la Merci de Paris, sa veuve, Anne Dussoyer, ayant donné ses biens aux enfants, laissa procéder, le 23 juillet 1694, à un partage de la succession devant Me Prieur, notaire à Paris, entre leurs trois fils : Jean-Charles Bernard, l'aîné ; Bernard d'Aigrefin ; Bernard du Mesnil, et leur fille, Marie-Thérèse, marquise de Gravel, sur les territoires de Neufmoutiers, de Favières et d'Esvry-les-Château.
Le marquis Jules de Gravel, ambassadeur extraordinaire en Allemagne, s'éteignit dans sa propriété de Bellevue, sans postérité, en 1726, en désignant sa veuve comme sa légataire universelle, ce qui la fit dame de Marly, Jean-Charles Bernard avait laissé ses biens à son fils, Louis-Alexandre Bernard. l'unique héritière de celui-ci, Anne-Madeleine Bernard du Chemin, vendit, par-devant les conseillers du roi notaires au Châtelet de Paris, le 1er juillet 1732, à Maurice-Charles-Henry Bernard, son cousin, la terre est seigneurie du Chemin. Le 17 novembre 1736, ce dernier et dame Marie-Thérèse, marquise de Gravel, tous deux hauts justiciers de Neufmoutiers, achetèrent de Marie Leconte, Vve d'Antoine Serize et de Marguerite-Elisabeth Provence, Vve d'Antoine Leconte, un "quartier de terre en carrière dans lequel sont "bâtis les deux piloris de la justice du dit Neufmoutiers, situé entre les "grands chemins de Tournan, Neufmoutiers et Villeneuve-le-Comte".
Ces piloris ont été détruits en 1790.
le 24 mars 1756, Bernard d'Aigrefin vendit "dans la censive de la seigneurie d'Aigrefin" des terres à Melle des Touches, marquise du Vigean. Sous peu la seigneurie du Chemin, passera des Bernard en la possession du marquis de Dreux-de-Couey dont la fille, E.C. de Coucy la portera en mariage, à la veille de la révolution, à Joseph-Claude de Clermont-Saint-Jean, comte de Clermont.
Le fief de la Fortelle, recueilli par un fils de Charles, dans le partage de 1694, passa, à la fin du XVIIIème siècle, à François Cormuel de Granval qui le revendit à le Bas, comte du Plessis.
La Propriété du Chemin entra, après la Révolution dans la famille de Joinville. C'est du comte de Joinville qu'Alexandre Singer l'acquit en 1863. En 1870, les Prussiens occupèrent le château que son propriétaire avait abandonné pour aller à Versailles. A l'occasion de la proclamation de l'Empire d'Allemagne, les officiers donnèrent avec le vin d'Alexandre Singer, un grand banquet au château. Ils télégraphièrent à ce dernier (le télégramme fait partie des papiers de la famille) pour l'inviter à venir partager leur repas. Inutile de dire que Mr Singer ne se rendit pas à cette invitation. Les officiers ivres-morts, en buvant à la santé de Guillaume 1er, empereur, faillirent être écrasés par le toit d'une galerie, lequel s'écroula ce soir-là.
Mr Louis Singer, fils d'Alexandre, est actuellement propriétaire du domaine qui comprend environ un millier d'hectares dont 400 hectares de bois pour la chasse. Il y a réalisé de grands travaux en 1897. Il a fait combler les fossés, installer les eaux, dessiner le parc (environ dix hectares), restaurer l'ancienne façade, construire sur la façade opposée deux ailes en retour et établir une terrasse.
L'Eglise, avec une nef et un transept, a son choeur flanqué de deux latéraux qui seuls ont des piliers. Ces piliers circulaires, isolés, sont, comme la voûte à nervures aigües et à clefs, du XVème siècle. A droite et à gauche de l'entrée sont deux piliers anciens. L'Eglise a été construite en 1749 et restaurée en 1879. Cette date de 1749, inscrite à l'église, est faite pour surprendre parce que la nef est consolidée par des contreforts rectangulaires du XIIIème siècle. D'autre part, on lit la date de 1300 sur la sépulture d'un curé : "Ici gît..." jadis curé de Neufmoutier, qui trépassa l'an MCCC., le dimanche." Sa pierre est couchée dans le bas-côté gauche. Elle indique qu'en 1300 il y avait une église à Neufmoutiers. On y voit au surplus un ancien maître d'hôtel du temps de Louis XIII. La nef est voutée en berceau jusqu'à l'abside qui se termine en dôme.
En dehors des pierres tumulaires dont nous avons déjà parlé, il en existe d'autres de très intéressantes : l'une de messire Jules de Gravel, seigneur de Marly, près Metz, conseiller du roi, son envoyé extraordinaire en Suisse, décédé en 1726, fils de Robert de Gravel, ambassadeur en Suisse, mort à Soleure en 1684 ; une autre d'un conseiller du roi (1732) ; une troisième d'une femme aux mains jointes portant un blason détérioré) ; une inscription d'une bienfaiteur de l'église : François-Antoine Caron (1763-1835). Enfin à noter à gauche de la chapelle, sur un coeur en marbre blanc, une inscription relative à E.C.L. de Coucy, comtesse de Clermont, qui a son coeur dans une niche où est un coffret en bois. Une épitaphe latine y a été apposée par son mari Joseph-Claude de Clermont-Saint-Jean. Au-dessous sont les armes : partie d'argent à deux croix de sable en sautoir, partie d'argent à bande d'hermine.